Publié le 07/02/2022 par Brinkmann Martin
Il y a 200 ans, le physicien allemand Thomas Johann Seebeck montrait que certains matériaux soumis à un gradient de température génèrent une tension électrique. Le rapport entre tension et gradient est un coefficient (de Seebeck) typique du matériau qui doit être élevé pour garantir une bonne efficacité thermoélectrique. L’effet Seebeck est exploité dans les matériaux thermoélectriques qui permettent, par exemple, de transformer l’énergie perdue sous forme de chaleur en courant électrique pour alimenter des équipements électroniques et des capteurs. Pour être efficaces, ces matériaux doivent présenter une faible conductivité thermique, pour conserver le gradient de température, et une forte conductivité électrique, afin de transporter les charges électriques. Ils doivent aussi présenter un coefficient de Seebeck important. Les matériaux thermoélectriques usuels sont principalement des matériaux semi-conducteurs inorganiques, mais certains chercheurs s’intéressent depuis une dizaine d’années aussi aux semi-conducteurs polymères. Ces derniers présentent une meilleure flexibilité mécanique, un poids bien plus léger, de faibles conductions thermiques intrinsèques, et fonctionnent à des températures proches de l’ambiante. À l’inverse, ils pêchent souvent par leur faible conductivité électrique, un problème qui peut être partiellement résolu en dopant ces matériaux avec d’autres molécules.
Une collaboration du consortium d’électronique organique de Strasbourg, regroupant l’ICPEES , l’ICS et l’IPCMS ainsi que l’Université de la Sarre (Allemagne) a permis de battre un nouveau record de performances thermoélectriques. Avec près de 3 mW m-1 K-2, ils font moitié mieux que le précédent record (déjà détenu par le groupe strasbourgeois) et quinze fois mieux que les systèmes organiques équivalents les plus performants. Le partenaire ICPEES a développé un polymère thermoélectrique constitué de chaînes latérales carbonées incluant une fonction éther unique : elles permettent de conserver une structuration optimale à l’état solide du polymère semi-conducteur, tout en améliorant sa miscibilité avec les molécules oxydantes polaires utilisées comme dopant. Le dopage permet de générer de nombreuses charges électriques dans le matériau et d’augmenter considérablement la conductivité. Une fois ce polymère déposé sous forme de films minces, la seconde innovation développée à l’ICS consiste à brosser les films à l’aide d’un tissu microfibre afin d’orienter les chaînes de polymère dans la même direction. Ce traitement augmente la conductivité électrique dans la direction du brossage, mais sans altérer fortement les autres propriétés, ce qui permet à ces matériaux d’atteindre de très hautes performances thermoélectriques. Au-delà de la thermoélectricité, ces polymères sont potentiellement d’un grand intérêt dans la conception de transistors électrochimiques, composants de base des capteurs bioélectroniques.